La Réponse de la Tortue aux “ODES OF PINDAR” de Thèbes

"Best of all things is water; but gold, like a gleaming fire 
by night, outshines all pride of wealth beside"


Je suis là, je suis arrivée, mais après combien de temps? Depuis soixante millions d’années je parcours le monde aquatique. À peine ai-je mis le pied sur terre, qu'on me presse de retourner à l’eau. Moi qui aime poser mes pieds sur la terre. C’est solide, je me sens en sécurité. J’aime sentir le soleil sur mon dos. Après ces millions d’année, l’eau froide ça devient humide comme hébergement, après un certain temps... Je garde encore l'odeur des vents marins dans mon nez, même si je n’en ai pas. Le goût du sel dans ma bouche, même si parfois ça goutte autre chose, et la couleur aussi… ce n’est pas le bleu vif de mon imagination, de ma mémoire mais quelque chose de plus turbide, plus floculant, avec des particules suspendues, petite couleur de brun foncé, odeur comme du chauffage à pétrole. Qu’est ce qui se passe dans mon habitat? On réclame des droits en mon nom sur des espaces privés, oû on fait n'importe quoi. Je sens des aiguilles qui sucent mon sang. Je sens des tubulures qui transportent mon sang jusqu'à des endroits très éloignés. Je ne sais pas ce qui se passe...


"And they say that in the sea among the daughters of Nereus in the depth, Ino 
is given life imperishable for all time."


Est-ce vrai ça? La vie éternelle? Est-ce que la vie survit à la rapacité de l’être humain? Oui, il est vite sur ses pieds, mais voilà tout ce qu’il manque en allant trop vite. Les airs purs, les eaux effervescentes, les arbres gratte-ciel. Tout cela est devenu de la marchandise. Est-ce que l’homme, une des espèces les plus récentes sur la planète, est capable de tout détruire? Moi je ne crois que non. J’habite ce paradis depuis des millions d’années avant lui. Je serai là plusieurs de millions d’années après. Oui, la vie est éternelle. Mais l’être humain, je ne le crois pas.


"Not to the beauty of trees. 
He thought the garden, naked of these, must endure the 
sun's sharp rays."


Ce que j’aime le plus pour sa beauté pure, c’est l’arbre. Moi, qui ne pourrai jamais franchir ses hauteurs, je ne verrai jamais la vue des branche, qui démontre leurs feuilles vers le ciel. Dans la forêt, je suis à l’ombre, mon nez pressé contre les champignons de la terre. Mais l’homme, lui, qui est descendu de l’arbre, en faisant la chasse a découvert qu’il fallait couper tous les arbres. Mais pourquoi? Pourquoi tout couper?


"Neither rain driven from afar on the storm, of the crying cloud, 
no wind shall sweep it, caught and stricken with the blown debris 
into the corners of the sea."


Le vent, le vent, ce gros vent! Je le sens même ici parmi les fougères. Les feuilles des arbres fatigués, assoiffés, tombent comme d'énormes flocons de neige. Mais c’est une neige sèche, sans la fraicheur de l’eau. Ouf! Une branche vient de tomber du ciel. Une chance que j’aie pu retirer la tête avant qu’elle soit écrasée. Je ressors ma tête pour pouvoir bien examiner les feuilles qui sont à peine attachées encore à la branche. Elles manquent de couleur : rose pale, blanchissantes, jaune et gris comme l’hiver. Moi, la tortue luth, je dépose mes œufs au début de l’hiver, à côté de la mer et après ça, je les abandonne. Mes petits sont élevés par les vents et la mer. Et moi aussi, je retourne à la mer. Je chasse les méduses dans la côte ouest des États Unis, mais tabarouette, les californiens aiment leurs christie d'sacs en plastique! Ils en déposent dix-neuf milliards par année dans le Pacifique! J’en mange régulièrement, surtout parce que je ne vois pas très bien et les sacs de plastiques ressemblent beaucoup à mes méduses si délicieuses!


"Of the sands in the sea and the rivers, shaken by the waves and the streaming winds; and things to be and whence they shall come to pass. All this you know."


De mon espèce, il nous reste seulement que quelques milles. Nous étions le roi reptilien de la mer. En Indonésie, on est juste deux, Ça fait une vie très solitaire. On fait du sexe, mais, nos bébés ne survivent pas! Le gros con à deux pattes adore nos œufs. Il suit à nos mères, il se cache dans les grandes herbes et aussitôt que maman donne la vie, il fait sa récolte - un par un, nos œufs, déposés à la orilla del mar, se retrouvent sur des plats, où le gros con, en ajoutant du sel, suce la vie de nos jeunes, même avant qu’ils soient formés. Normalement, après soixante jours, nos petits courent à quatre petites pattes pour se réunir avec notre mère universelle, la mer. La mer, origine de toute vis. La mer, salée comme du sang. La mer, propriétaire du monde, c’est elle qui détermine le futur de notre planète.

Le con à deux pattes est aussi très occupé à voler les lieux de nos nids. Pendant cent dix millions d’années, nous avions toute liberté à déposer les œufs sur les plus belles plages. Bien sûr, il y avait d’autres cons qui venaient manger nos jeunes, nos œufs, mais au moins on avait de la place pour les déposer. On avait seulement besoins d’un petit peu de sable douce, tout près de la mer, avec la protection d’une forêt à proximité. Mais penses-tu qu’on peut retrouver à ça aujourd’hui? Ben non, le gros con aime enlever presque tous ses vêtements pour se coucher prendre un repos dans nos nids! Le gros con aime enlever tous les arbres pour construire sa petite maison à côté de la mer, ou il passe peut-être quatre semaines sur cinquante-deux par année.