Valse-lutte (bougée-mimée-dansée):

Suggestions musicales: Je me suis fais du sang d'encre pour toi, J. Leloup (Francis entend ça pendant l'amorce du point de rupture)

Proposition de Ellie high, co-écriture avec Gracine

Une table est placée au milieu de l'espace de jeu. Nous pouvons remarquer des déchets (papiers de bonbon, emballages de fast-food, factures, courriers, etc.) Sur celle-ci, quelques assiettes de carton. Près de la coulisse côté jardin se trouve un mini-bar sur lequel sont disposés des bols, une bouteille d'alcool à moitié vide, un verre, un sac de croustilles. Un gros sac de poubelle à l'avant scène, côté cours. Hannah et Antoine sont assis aux deux extrémités de la table, face à face. Moment de silence. Hannah cherche visiblement à fuir le regard d'Antoine qui commence à s'impatienter.


Hannah, lui offre à boire: T'en veux?

Antoine: Je suis pas venu pour boire.

Hannah: C'est bon, je me ressers, si ça te dérange pas trop

Antoine: Si ça me dérange pas?... Hannah... Arg, peux-tu venir t'assoir qu'on parle?

Hannah, se sert à boire: J'aurais pas dû t'appeler, je sais pas ce qui m'a pris.


Antoine se lève et s'avance vers Hannah.


Antoine, lui arrache son verre: Tu sais bien que l'alcool te fait pas.

Hannah: Donne! T'es pas mon père!

Antoine: Qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce que t'as? Tu m'as appelé en larmes...

Hannah: J'aurais pas dû, va-t-en.

Antoine: Non!

Hannah: Ça va aller, je suis correcte.

Antoine: Hannah...

Hannah: Non, tu me lâches! J'ai pas besoin de toi. J'ai besoin de personne. (Moment de silence. Antoine ne la quitte pas des yeux. Hannah change de place constamment, allant du bar à la table, arpentant la pièce de façon désordonnée.) Tu vois, tu sais plus quoi dire. Ça t'arrangerait avoue!

Antoine: C'est toi que ça arrangerais que je lâche, que je t'abandonne.

Hannah: Tu m'as-tu vu? 'sti, tu veux vraiment passer ta vie avec une fille à problème comme moi?

Antoine: T'as pas le contrôle là-dessus. Je t'aime, va falloir que tu deales avec.

Hannah: Va-t-en! T'es pathétique, Antoine.


Antoine vire le dos à Hannah. Hannah remplit son verre. Il inspecte l'appartement, cherche quelque chose.


Hannah,à elle-même: Anyway... qui voudrait vivre avec une fille qui fout, tous les jours, sa vie en l'air?... De toute façon, on s'en fout. Anyway, moi non plus je veux pu vivre avec... (À Antoine qui est rendu près du sac de poubelle) Qu'est-ce que tu fais? Lâche mes vidanges? Mais qu'est-ce que tu... Mais lâche ça, tu veux?


Antoine sort un pot de pilules du sac de poubelle.


Antoine: C'est bien ce que je pensais. (brusquement) Ça fait combien de jours que tu les prends pas?

Hannah: Mêle-toi pas de ça.

Antoine, haussant le ton: Combien?

Hannah, s'agite encore plus: C'est mon choix.

Antoine: Pardon? Ton choix, TON choix?

Hannah: Tu sais ce que ça me fait.

Antoine: Ce que ça TE fait? Criss Hannah, tu vois pas la différence? Tu vois pas que tu es devenue parlable? Tu vois pas ça que tu ris? Que tu peux envisager ta carte de crédit sans la toper? Conduire ton auto en te souvenant du chemin pour rentrer? Oublier que ton voisin est le roi des rats? Ou de prendre tes parents pour des agents de la GRC? Ou les hippies d'à côté pour des extra-terrestres en mission de pollennisation de la Terre?

Hannah, étonnée: Je le savais! Tu le vois toi aussi?


Antoine se rapproche d'Hannah, remonte ses manches. Hannah a des bandes blanches autour des poignets. Elle s'esquive, il la rattrape (jeu physique mimé-bougé-dansé? d'une valse-lutte). Le dialogue s'intègre par soufles entrecoupés, les essouflements s'accentuant. Hannah circule dans la pièce comme dans une arène de boxe)


Antoine, les larmes aux yeux, suppliant: Tu veux mourir... encore? (Musique: Je me suis fait du sang d'encre pour toi. Antoine veut prendre la joue d'Hannah qui se dérobe.) Hannah, regarde- moi! Dis à mes yeux que c'est vraiment ce que tu veux. Dis-le moi! Arrête toi! ( Elle ne reste pas en place. Antoine la cherche, la provoque, s'interpose, veut capter son regard. Hannah, par des gestes brusques, impulsifs, en réaction à la situation, se démène, rôde, aggripe les cordages, réactionnelle, vive, enragée... le duo manipule les cordes qui tissent progressivement une couverture? Un nid? Une potence? Il la berce, des sanglots larges comme des fleuves sourdent, s'étouffent, se tordent. Hannah effondrée, il la rattrape, la dépose au sol.) Je suis là... je suis là... si tu pars, je pars. Si tu meurs, je te suis.

Hannah, se redresse, furieuse: Lâche, je te crois pas! Se lève, agrippe un grand couteau.

Antoine, subitement calme: Si c'est ce que tu veux, viens, viens là, on fera ça ensemble, tous les deux, ensemble... cette fois, je te jure, tu ne partiras pas sans moi. Cette fois, je te sauverai pas malgré toi.

Hannah: Je ne suis pas faite pour ce monde, Antoine.

Antoine: Tu préfères celui halluciné de ton esprit malade?

Hannah: Justement, non mais je veux mourir avec ma tête à moi.


Au tour d'Antoine de s'agiter dans l'espace, comme en proie avec une image horrible. Au tour d'Hannah de le chercher, de vouloir le toucher, le retenir, l'atteindre, sans succès, elle reste tournée vers lui, réceptive, captive, sensible.)


Antoine: Alors, j'en veux pas non plus, du monde sans toi.

Hannah(le rattrapant): Non pas toi, tu peux pas faire ça. Pas toi, pas toi... (elle le dévisage, caresse ses joues, son torse, elle l'examine intensément, le serre. Les deux se regardent sans sourciller.) pas toi. Je ne veux pas.


Antoine: Le monde, sans toi, je ne peux pas.

Hannah, : Le monde, sans toi, je ne veux pas.


Lentement, les deux amoureux dénouent les cordages?, les noeuds?, les tissages jusqu'aux derniers. Hannah défait les bandages de ses poignets. Les jettent.

NOIR.

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